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Mission à Moscou : une semaine dans les archives du RGASPI

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CIMG2719Pour sa première mission scientifique en Russie, l’ANR Paprik@2F a choisi d’envoyer Romain Ducoulombier et Victor Lagarde dans les archives du RGASPI, afin de confronter les ressources disponibles à la MSH de Dijon avec la réalité des fonds sur place. Aperçu.

Arrivée à Moscou sans encombres le dimanche 13 avril : toutes les formalités qu’on pouvait craindre compliquées sont d’une facilité déconcertante. Alors que le fossé s’accroît diplomatiquement entre l’Occident et la Russie, Moscou s’occidentalise toujours plus, c’est à chaque voyage plus visible. La ville, majestueuse et hyperactive, offre au visiteur l’aspect bigarré de son architecture. Rénovés, les bâtiments d’un art dit « totalitaire » sur la Maïakovskaïa donnent le sentiment d’être venus d’ailleurs, marqués par l’américanisme (американизм) originel de leur inspiration. Le RGASPI, dont la façade austère est toujours surmontée de ses « trois aveugles », Marx, Engels et Lénine, ressemble à un vestige perdu dans l’hyper-centre luxueux et piétonnier de la capitale. L’accueil y est toujours bon pour les visiteurs étrangers, les formalités immuables du lieu n’ont pas changé. En cette mi-avril, il fait un froid inhabituel dans la salle de lecture, alors que le soleil printanier brille et que les dernières pluies de l’hiver lessivent la poussière épaisse qui macule les rues et les grosses cylindrées. Préparées en amont, à Paris, nos commandes – 10 dossiers par jour – nous attendent dans les casiers métalliques du vieux couloir typique du RGASPI, éclairé par un système électrique d’un autre âge.

Au programme : une semaine de consultation intense, au gré des horaires variables de la maison (5 à 8 heures par jour) qui nous est ouverte pour la durée de notre séjour. La salle est bien remplie, peu de chercheurs étrangers y sont encore. Avec l’aide de notre traductrice de choc, les démarches les plus compliquées sont effectuées avec une grande facilité par un personnel finalement très disponible, malgré la rigidité inchangée des délais de communication – il faut entre trois jours et une semaine pour obtenir ses commandes, et les dérogations sont particulièrement difficiles. Nos démarches, pour le coup, resteront sans succès. Dossiers « bios », archives des « orgas de masse », culture de l’organisation sont les principales directions de nos commandes, dans le prolongement des thématiques de l’ANR Paprik@2F. Chaque dossier possède une feuille d’émargement où nous inscrivons nos noms et université de rattachement respectifs : un dispositif original des archives russes, qui permet de s’assurer du caractère inédit ou rarement consulté des documents que nous consultons. Bien souvent, ces dossiers n’ont pas été ouverts depuis dix ans. Quelques cotes de fonds fermés nous échappent, deux ou trois autres s’avéreront très décevantes, en raison du caractère allusif ou lacunaire de l’inventaire que l’ANR Paprik@2F entend à la fois améliorer et rendre disponible aux chercheurs français. Beaucoup des résultats de nos recherches se retrouveront dans les semaines à venir sur le blog de l’ANR.

CIMG2699Mais trois constats s’imposent et confirment certaines de nos conclusions : d’abord, que le détour par Moscou n’est jamais inutile, même pour des chercheurs qui ne travaillent pas sur le communisme. Les dossiers « bios », qui concernent des personnalités bien au-delà du cercle des cadres et des adhérents de marque, offrent une documentation souvent utile : coupures commentées et rapports circonstanciés parsèment les recueils de dépêches TASS et décalent le regard franco-centré. Ensuite, que les « orgas de masse » portent souvent mal leur nom dans l’entre-deux-guerres : elles ne sont ni très bien organisées, en particulier au début des années 1930, ni « de masse » avant le milieu des années 1930 – même s’il faudrait nuancer ce constat brutal, « le problème pour les organisations de masse a pour la France une importance plus grande que pour les autres pays, parce que le mouvement ouvrier français en général et le mouvement communiste en particulier n’ont jamais eu de tradition solide » en la matière [RGASPI 517-1-1047-59]. Enfin, que le transfert des pratiques bureaucratiques soviétiques en France, volontairement adoptées et sélectivement appropriées, est un processus complexe, relativement lent et progressif, mais qui imprègne en profondeur la culture politique communiste : secret « conspiratif », obsession du rendement, « civilisation du rapport », auto-évaluation et autocritique de l’action révolutionnaire. Outre quelques documents inédits ou rarement cités que nous présenterons bientôt dans le blog, cette courte campagne de collecte s’est avérée particulièrement instructive. À suivre !

Pour citer ce billet : Romain Ducoulombier, « Mission à Moscou : une semaine dans les archives du RGASPI », ANR PAPRIK@2F, 23 avril 2014 [en ligne: http://anrpaprika.hypotheses.org/1976]


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